pastorul cel bun vs romania

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  • 8/2/2019 Pastorul Cel Bun vs Romania

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    TROISIME SECTION

    AFFAIRE SINDICATUL PSTORUL CEL BUN c. ROUMANIE

    (Requte no 2330/09)

    ARRT

    STRASBOURG

    31 janvier 2012

    Cet arrt deviendra dfinitif dans les conditions dfinies larticle 44 2 de la Convention. Il peut

    subir des retouches de forme.

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    En laffaire Sindicatul Pstorul cel Bun c. Roumanie,

    La Cour europenne des droits de lhomme (troisime section), sigeant en une chambrecompose de :

    Josep Casadevall, prsident,Egbert Myjer,Jn ikuta,Ineta Ziemele, Nona Mihai Poalelungi,Kristina Pardalos, juges,

    et de Santiago Quesada,greffierde section,

    Aprs en avoir dlibr en chambre du conseil le 13 dcembre 2011,

    Rend larrt que voici, adopt cette date :

    PROCDURE

    1. A lorigine de laffaire se trouve une requte (no 2330/09) dirige contre la Roumanie etdont le syndicatPstorul celBun (le Bon Pasteur) a saisi la Cour le 30 dcembre 2008 envertu de larticle 34 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des libertsfondamentales ( la Convention ).

    2. Le syndicat requrant est reprsent par Me I. Gruia, avocat Craiova. Le gouvernementroumain ( le Gouvernement ) tait reprsent par son agent, M. Rzvan-Horaiu Radu, duministre des affaires trangres.

    3. A la suite du dport de M. Corneliu Brsan, juge lu au titre de la Roumanie (article 28du Rglement de la Cour), le Prsident de la chambre a dsign M. Mihai Poalelungi poursiger en qualit de juge ad hoc (articles 26 4 de la Convention et 29 1 du rglement dela Cour).

    4. Le requrant allgue que le rejet de sa demande tendant son enregistrement comme

    syndicat a port atteinte au droit de ses membres de fonder des syndicats au sens delarticle 11 de la Convention.

    5. Le 31 mars 2010, le prsident de la troisime section a dcid de communiquer larequte au Gouvernement. Comme le permet larticle 29 1 de la Convention, il a en outret dcid que la chambre se prononcerait en mme temps sur la recevabilit et sur le fondde la requte. Les parties ont chacune soumis des commentaires crits sur les observationsde lautre. Des observations ont galement t soumises par lArchevch de Craiova et par

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    lorganisation non gouvernementale Centre europen pour la justice et les droits delhomme, que le prsident avait autoriss intervenir dans la procdure crite(articles 36 2 de la Convention et 44 3 du rglement).

    EN FAIT

    I. LES CIRCONSTANCES DE LESPCE

    6. Le 4 avril 2008, trente-cinq membres du clerg et du personnel lac de lEgliseorthodoxe roumaine, dont une majorit de prtres orthodoxes des paroisses de la mtropoledOltnie (rgion du sud-ouest de la Roumanie), runis en assemble gnrale, dcidrentde fonder le syndicatPstorul celBun. Les passages pertinents du statut se lisent commesuit :

    Le but du syndicat du personnel clrical et lac travaillant dans les paroisses ou dansdautres structures ecclsiastiques relevant de la juridiction administrative et territoriale de

    la Mtropole dOltnie, est librement consenti et vise la reprsentation et la dfense desdroits et des intrts professionnels, conomiques, sociaux et culturels des clercs et deslacs membres du syndicat dans leurs rapports avec la hirarchie de lEglise et le ministrede la Culture et des Cultes.

    Afin datteindre ce but, le syndicat compte :

    a) assurer le respect des droits fondamentaux de ses membres au travail, la dignit, laprotection sociale, la scurit au travail, au repos, aux assurances sociales, aux aides encas de chmage, aux droits la retraite et aux autres droits prvus par la lgislation envigueur ;

    b) assurer pour chaque membre du syndicat un travail qui corresponde sa formationprofessionnelle et ses comptences ;

    c) assurer le respect des dispositions lgales concernant la dure des congs et des jours derepos ;

    d) assurer la promotion de la libre initiative, de la concurrence et de la libert dexpressionde ses membres ;

    e) assurer lapplication et le respect scrupuleux des dispositions lgales concernant la

    protection du travail et des droits qui en dcoulent ;f) appliquer intgralement les dispositions de la loi no 489/2006 relative la libertreligieuse et au rgime juridique des cultes, du Statut de lEglise orthodoxe roumaine et dessaints canons de lEglise orthodoxe roumaine ;

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    g) ngocier avec lArchevch et la Mtropole les contrats collectifs et individuels detravail qui doivent prciser expressment tous les droits et les devoirs des clercs et deslacs ;

    h) assurer la protection du prsident et des reprsentants du syndicat, au cours et aprs

    lexpiration de leur mandat ;

    i) assurer la prsence et la reprsentation du syndicat tous les niveaux et dans toutes lesinstances de dcision, selon les dispositions lgales en vigueur ;

    j) utiliser la ptition, la manifestation et la grve comme moyens de dfense des intrts deses membres et pour la dfense de leur dignit et de leurs droits fondamentaux ;

    k) assigner en justice les personnes physiques ou morales qui mconnaissent la lgislationdu travail, le droit syndical ou, les dispositions de la convention collective au niveau de laMtropole ou des contrats de travail si les litiges correspondants nont pas pu tre rsolus

    par la ngociation ;l) assurer le respect et lapplication des dispositions lgales relatives la rmunration et la garantie de conditions de vie dcentes ;

    m) uvrer pour que les clercs et les lacs puissent bnficier de lensemble des droits dontjouissent dautres catgories sociales ;

    n) constituer des caisses dentraide propres ;

    o) diter et imprimer des publications visant informer ses membres et dfendre leurs

    intrts ;p) crer et administrer dans le respect des dispositions lgales et dans lintrt de sesmembres des organismes de culture, denseignement et de recherche dans le domaine delactivit syndicale, des tablissements sociaux et des tablissements socio-conomiques ;

    r) lever des fonds propres pour lentraide de ses membres ;

    s) organiser et financer des activits religieuses ;

    ) formuler des propositions pour les lections organises dans les structures locales de

    lEglise et proposer la participation au Saint synode de lEglise orthodoxe roumaine dunprtre, membre du syndicat.

    t) demander lArchevch quil prsente dans le cadre de lassemble des prtres unrapport sur ses revenus et dpenses ;

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    ) demander au Conseil de lArchevch quil communique, chaque trimestre ou chaqueanne, les dcisions prises en matire de nominations, de transferts et de rpartition desbudgets.

    7. En vertu de la loi no 54/2003 sur les syndicats, le prsident lu du syndicat sollicita

    auprs du tribunal de premire instance de Craiova loctroi au syndicat de la personnalitmorale et son inscription sur le registre des syndicats.

    8. Le reprsentant de lArchevch sopposa cette demande. Il reconnut que les membresdu syndicat taient employs de lArchevch en vertu de contrats individuels de travail,mais fit valoir que le statut interne de lEglise orthodoxe, reconnu par larrt duGouvernement no 53/2008, interdisait la cration de toute forme dassociation sans laccordpralable de larchevque.

    9. Le reprsentant du syndicat ritra sa demande en soulignant que les conditions lgalespour la cration dun syndicat, prvues par la loi no 54/2003 sur la libert syndicale, taient

    respectes, et que la loi en question ninterdisait pas la cration dun syndicat par lescatgories professionnelles en cause en lespce.

    10. Le ministre public se joignit la demande, estimant que la cration du syndicat taitconforme la loi et que le statut interne de lEglise ne pouvait pas linterdire, les prtres etles lacs concerns tant tous employs par lEglise et ayant ce titre le droit de sassocierpour dfendre leurs droits.

    11. Par un jugement du 22 mai 2008, le tribunal accueillit la demande du syndicat etordonna son inscription au registre des syndicats, lui confrant ainsi la personnalit morale.

    12. Le tribunal fonda son jugement sur les dispositions des articles 2 de la loi n

    o

    54/2003,39 du Code du travail, 40 de la Constitution, 22 du Pacte international relatif aux droitscivils et politiques et 11 de la Convention europenne des droits de lhomme.

    13. Il nota que la loi no 489/2006 sur la libert religieuse autorisait le fonctionnementautonome des organisations religieuses pour autant quil ne soit pas port atteinte lascurit nationale, lordre et la sant publics, la morale et aux droits et libertsfondamentaux. Observant ensuite quil ne prtait pas controverse que les membres dusyndicat taient employs en vertu dun contrat de travail, il jugea que, ds lors, leur droit se syndiquer, qui tait garanti par la lgislation du travail, ne pouvait pas tre subordonn lobtention pralable de laccord de leur employeur.

    14. Relativement la rglementation interne de lEglise, le tribunal jugea que lasubordination hirarchique et lobissance qui taient dues par les prtres leur employeuren vertu du statut de lEglise ne pouvaient pas justifier une restriction dun droit consacrpar la lgislation du travail car elles ne constituaient pas des mesures ncessaires, dans unesocit dmocratique, la scurit nationale, la sret publique, la dfense de lordre et la prvention du crime, la protection de la sant ou de la morale ou la protection desdroits et liberts dautrui.

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    15. Examinant le statut du syndicat, le tribunal estima que la cration de celui-ci ntait pasncessairement la manifestation dun courant divergent au sein de lEglise orthodoxeroumaine, qui mpriserait la hirarchie et ses traditions, mais que, au contraire, elle pourraitcontribuer la mise en place dun dialogue entre lemployeur et ses employs quant langociation des contrats de travail, au respect du temps de travail et de repos et des rgles

    de rmunration, la protection de la sant et de la scurit au travail, la formationprofessionnelle, la couverture mdicale, et au droit dlire des reprsentants dans lesstructures de dcision et dy tre lu, dans le respect des spcificits de lEglise et de samission spirituelle, culturelle, ducative, sociale et caritative.

    16. LArchevch forma un pourvoi contre le jugement du tribunal, soutenant que lesdispositions lgales internes et internationales sur lesquelles celui-ci avait fond sonjugement taient inapplicables au cas despce. Il argua que larticle 29 de la Constitutiongarantissait la libert de religion et lautonomie des communauts religieuses et que ceprincipe ne pouvait pas seffacer devant la libert dassociation syndicale. Selon lui, enreconnaissant lexistence du syndicat, le tribunal stait immisc dans lorganisation

    traditionnelle de lEglise, portant ainsi atteinte son autonomie.17. Par un arrt dfinitif du 11 juillet 2008, le tribunal dpartemental de Dolj accueillit lepourvoi, annula le jugement rendu en premire instance et, sur le fond, rejeta la demandedoctroi de la personnalit morale et dinscription sur le registre des syndicats.

    18. Le tribunal dpartemental observa que la Constitution et la loi no 489/2006garantissaient lautonomie des communauts religieuses et leur droit de sorganiserconformment leurs statuts. Il nota ensuite que la notion de syndicat ntait pas prvuedans le statut de lEglise orthodoxe, en vertu duquel la constitution, le fonctionnement et ladissolution des associations et des fondations religieuses taient subordonns la

    bndiction du synode de lEglise et les prtres devaient obissance leurs suprieurs et ne pouvaient accomplir dactes civils, y compris de nature personnelle, quavec leurapprobation crite pralable.

    19. Il considra que linterdiction de crer toute forme dassociation au sein de lEglise enlabsence daccord de la hirarchie tait justifie par le besoin de protger la traditionchrtienne orthodoxe et ses dogmes fondateurs et que, si un syndicat venait tre cr, lahirarchie de lEglise serait oblige de collaborer avec un nouvel organisme tranger latradition et aux rgles canoniques de prise des dcisions.

    20. Enfin, il nota quen vertu de la loi no 54/2003, les personnes exerant des fonctions de

    direction ntaient pas autorises crer des syndicats et, tenant compte du fait quen vertudu statut de lEglise, les prtres assumaient la direction de leurs paroisses, il conclut quilstombaient sous le coup de cette interdiction.

    II. LE DROIT ET LA PRATIQUE PERTINENTS

    A. Le droit interne

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    21. Les dispositions pertinentes de la Constitution se lisent comme suit :

    Article 40

    Les citoyens peuvent sassocier librement pour former des partis politiques, des syndicats,

    des organisations patronales ou dautres formes dassociation.

    Article 41

    Le droit au travail ne peut tre limit. Le choix de la profession, du mtier ou deloccupation ainsi que du lieu de travail est libre.

    Les salaris ont droit aux mesures de protection sociale. Ces mesures portent sur la scuritet la sant des salaris, le rgime de travail des femmes et des jeunes, linstitution dunsalaire minimum brut au niveau national, le repos hebdomadaire, les congs pays annuels,la prestation du travail en conditions particulires ou spciales, la formation

    professionnelle, ainsi que sur dautres situations spcifiques, prvues par la loi.La dure normale de la journe moyenne de travail est au maximum de 8 heures.

    A travail gal, les femmes reoivent un salaire gal celui des hommes.

    Le droit aux ngociations collectives en matire de travail et le caractre obligatoire desconventions collectives sont garantis.

    Article 29

    La libert de pense et dopinion, ainsi que la libert de religion ne peuvent tre limitessous aucune forme. Nul ne peut tre contraint adopter une opinion ou adhrer unereligion contraires ses convictions.

    La libert de conscience est garantie ; elle doit se manifester dans un esprit de tolrance etde respect rciproque.

    Les cultes religieux sont libres et les communauts religieuses sorganisent conformment leurs propres statuts, dans les conditions fixes par la loi.

    Dans les relations entre les cultes sont interdites toutes formes, tous moyens, tous actes et

    toutes actions de discorde religieuse.Les communauts religieuses sont autonomes par rapport lEtat et jouissent de sonsoutien, y compris par des facilits accordes pour offrir une assistance religieuse danslarme, les hpitaux, les tablissements pnitentiaires, les asiles et les orphelinats.

    22. Les dispositions pertinentes de la loi no 54/2003 sur la libert syndicale se lisentcomme suit :

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    Article 2

    Quiconque exerce son activit sur la base dun contrat de travail, y compris lesfonctionnaires publics, a le droit de crer des organisations syndicales ou dy adhrer.

    Le nombre minimum de salaris pour la cration dun syndicat est fix quinze employsdans la mme profession ou branche dactivit.

    Nul ne peut tre contraint dadhrer une organisation syndicale, de ne pas y adhrer ou dela quitter.

    Article 3

    Les personnes qui exercent des fonctions de direction ou des fonctions impliquantlexercice de lautorit publique, les magistrats, les militaires, les policiers et les membresdes forces spciales ne peuvent pas crer des organisations syndicales.

    23. En vertu de la loi no 489/2006 sur la libert religieuse, la libert de pratique descroyances religieuses est garantie. Les dispositions pertinentes de cette loi se lisent commesuit :

    Article 1

    LEtat roumain respecte et garantit le droit la libert de pense, de conscience et dereligion de toute personne se trouvant sur le territoire roumain, selon la Constitution et lestraits internationaux auxquels la Roumanie est partie.

    Article 5Les membres des communauts religieuses choisissent librement la forme sous laquelle ilssouhaitent sassocier pour la pratique de leurs croyances communaut ou associationreligieuse, groupement religieux conformment aux modalits et conditions de laprsente loi.

    Les communauts ou associations religieuses et les groupements religieux sont tenus derespecter la Constitution et les lois et de ne pas porter atteinte la scurit publique, lordre, la sant, la morale et aux droits et liberts fondamentaux.

    Article 8Les communauts religieuses reconnues jouissent du statut de personnes morales dutilit publique. En vertu des dispositions de la Constitution et de la prsente loi, ellessorganisent et fonctionnent de manire autonome selon leurs propres statuts ou rglescanoniques.

    Article 10

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    LEtat contribue, sur demande, la rmunration du clerg et du personnel lac descommunauts religieuses reconnues, en fonction du nombre de fidles et des besoins relsdes communauts.

    Article 17

    Sur proposition du ministre de la culture et des cultes, le Gouvernement octroie le statutde communaut religieuse reconnue par lEtat aux associations religieuses qui, par leuractivit et le nombre de leurs membres, prsentent un intrt public et dmontrent leurcontinuit dans le temps et leur stabilit.

    LEtat reconnat les statuts et les rgles canoniques dans la mesure o leur contenu ne portepas atteinte la scurit publique, lordre, la sant, la morale et aux droits et libertsfondamentaux.

    Article 23

    Les communauts religieuses choisissent, nomment, emploient et rvoquent leur personnelselon leurs statuts, leurs codes canoniques et leurs rglementations propres.

    Les communauts religieuses peuvent prononcer lencontre de leurs employs, selonleurs statuts, leurs codes canoniques et leurs rglementations propres, des sanctionsdisciplinaires pour violation des principes de la doctrine ou de la morale de la communaut.

    Article 24

    Les employs des communauts religieuses dont les caisses dassurance sont intgres au

    systme public dassurances sont soumis la lgislation relative au rgime public desassurances sociales.

    Article 26

    Pour les questions de discipline interne, les dispositions statutaires et canoniques sontdapplication exclusive.

    24. La loi no 330/2009 sur la rmunration du personnel dont le financement est assur parle budget de lEtat contient des dispositions relatives la rmunration des clercs et deslacs. Il y est prvu que lEtat contribue la rmunration des employs clricaux et lacs

    des communauts religieuses reconnues. Ainsi, lEtat verse aux employs clricaux descommunauts religieuses reconnues une indemnit mensuelle quivalente une fourchettecomprise entre 65 % et 80 % du salaire dun professeur de collge ou de lyce. Il prendgalement en charge lensemble des cotisations sociales dues par lemployeur au titre deses employs clricaux.

    25. En ce qui concerne les employs lacs, il est prvu quils peroivent une indemnitmensuelle quivalente un salaire minimum interprofessionnel. Cette indemnit ainsi que

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    lensemble des cotisations sociales dues par lemployeur pour ces employs sont financespar les budgets locaux. Les clercs occupant des fonctions plus hautes dans la hirarchiebnficient dune indemnit suprieure.

    26. Le Statut de lEglise orthodoxe roumaine, adopt par le Synode de lEglise en

    novembre 2007 et reconnu par larrt du Gouvernement no

    53 du 16 janvier 2008, aremplac le statut prcdent, qui datait de 1949. Ses dispositions pertinentes se lisentcomme suit :

    Article 6

    La Patriarchie est compose dvchs et darchevchs regroups en mtropoles.

    Article 12

    Le Saint Synode dcide de la cration, de lorganisation et de la dissolution des

    associations et des fondations ecclsiastiques nationales (...). Il accorde ou refuse sa bndiction pour la cration, lorganisation et la dissolution des associations et desfondations orthodoxes qui fonctionnent dans les vchs et qui ont des organes de directionpropres.

    Article 43

    La paroisse constitue la communaut des croyants, clercs et lacs, situe dans un espacegographique dtermin et soumise lautorit canonique, juridique, administrative etpatrimoniale de lvch ou de larchevch. Elle est dirige par un prtre nomm parlvque.

    Article 50

    En labsence dapprobation crite pralable de lvque, le prtre ne peut reprsenter laparoisse ni en justice ni devant les autorits ou devant des tiers. En vertu du sermentdobissance quils ont prt lors de leur ordination, les clercs et les moines ne peuventester en justice pour des affaires personnelles sans lautorisation crite et pralable delvque.

    Article 52

    Les prtres et les autres membres du personnel ecclsiastique ont les droits et sont tenus parles obligations prvus par les saints canons, par le prsent statut, par les rglementsecclsiastiques et par les dcisions de larchevch.

    Article 88

    Lvque (...) ordonne la nomination, le transfert ou la rvocation des clercs et des lacsdans les diffrentes paroisses (...). Il assure, directement ou par lintermdiaire des

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    organismes ecclsiastiques, le respect de la discipline des membres du clerg et dupersonnel lac de son vch.

    Article 123

    Les membres du clerg doivent servir lvch en vertu de leur mission librementconsentie, conformment aux vux et lengagement public et solennel quils ontprononcs et signs avant leur ordination. Avant le dbut de leur mission pastorale, ilsreoivent de lvque une dcision qui prcise leurs droits et leurs devoirs.

    Sans la bndiction de lvque, il est interdit aux prtres, aux diacres et aux moines decrer ou de rejoindre en tant quadhrent ou participant une association, une fondation ouune autre organisation de quelque type que ce soit.

    Le statut de prtre, de diacre ou de moine est incompatible avec lexercice de touteautre activit personnelle de nature conomique, financire ou commerciale contraire la

    morale chrtienne orthodoxe et aux intrts de lEglise.Article 156

    En vertu de lautonomie des communauts religieuses prvue par la loi, les tribunauxecclsiastiques tranchent les problmes de discipline interne. Leurs dcisions ne sont passusceptibles de recours devant les juridictions civiles.

    B. La pratique interne

    1. La jurisprudence des cours et tribunaux internes

    27. Par un arrt du 19 septembre 2005, la Haute Cour sest estime comptente pourexaminer la lgalit du licenciement ou de la mise la retraite de prtres orthodoxes, tantdonn que les employs de lEglise orthodoxe relevaient du rgime gnral de la scuritsociale et, ce titre, des dispositions lgales en matire dassurances sociales. Cette position a t confirme par deux arrts des cours dappel de Cluj et Iai en daterespectivement du 3 fvrier 1998 et du 3 juin 2008.

    28. Dans son arrt du 3 juin 2008, la cour dappel de Iai a d trancher une affaire danslaquelle le plaignant, un prtre orthodoxe, contestait sa mise la retraite pour limite dge,allguant que cette mesure avait t motive par son appartenance au syndicat du clerg

    orthodoxe Sfntul Mare Mucenic Gheorghe. Elle a cart largument du prtre, observantque la dcision de mise la retraite prise son gard avait t antrieure la cration dusyndicat.

    29. Par un arrt du 4 fvrier 2010, la Haute Cour de Justice et de cassation, saisie par unprtre orthodoxe qui contestait le refus de lInspection du travail de contrler lapplicationdu droit du travail par lvch (son employeur), a confirm ce refus, estimant que, pour

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    des problmes de discipline interne, seules taient applicables les dispositions statutairesinternes.

    2. La pratique interne concernant la cration de syndicats au sein du clerg

    30. Par un jugement dfinitif du 4 octobre 1990, le tribunal de premire instance deMedgidia inscrivit au registre des syndicats le syndicat Solidaritatea, du clerg orthodoxede larchevch de Tomis Constana, et lui octroya la personnalit morale.

    31. Par ailleurs, il ressort de la motivation de larrt susmentionn du 3 juin 2008 de lacour dappel de Iai que le syndicat Sfntul Mare Mucenic Gheorghe du clerg orthodoxe at inscrit au registre des syndicats et a obtenu la personnalit morale en vertu du jugementdfinitif rendu le 5 juin 2007 par le tribunal de premire instance de Hrlu.

    C. Le droit international

    32. La Roumanie a ratifi la Charte sociale europenne (rvise) le 7 mai 1999. Larticle 5de la Charte, qui porte sur le droit syndical, est ainsi libell :

    En vue de garantir ou de promouvoir la libert pour les travailleurs et les employeurs deconstituer des organisations locales, nationales ou internationales, pour la protection deleurs intrts conomiques et sociaux et dadhrer ces organisations, les Partiescontractantes sengagent ce que la lgislation nationale ne porte pas atteinte, ni ne soitapplique de manire porter atteinte cette libert. La mesure dans laquelle les garantiesprvues au prsent article sappliqueront la police sera dtermine par la lgislation ou larglementation nationale. Le principe de lapplication de ces garanties aux membres desforces armes et la mesure dans laquelle elles sappliqueraient cette catgorie de

    personnes sont galement dtermins par la lgislation ou la rglementation nationale. 33. Larticle 12 1 de la Charte des droits fondamentaux de lUnion europenne se litcomme suit :

    Toute personne a droit la libert de runion pacifique et la libert dassociation tousles niveaux, notamment dans les domaines politique, syndical et civique, ce qui implique ledroit de toute personne de fonder avec dautres des syndicats et de sy affilier pour ladfense de ses intrts.

    34. La directive 78/2000/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant cration dun cadre

    gnral en faveur de lgalit de traitement en matire demploi et de travail se lit ainsi :Considrant

    (4) Le droit de toute personne lgalit devant la loi et la protection contre ladiscrimination constitue un droit universel reconnu par la Dclaration universelle des droitsde lhomme, par la Convention des Nations unies sur llimination de toutes les formes dediscrimination lgard des femmes, par les pactes des Nations unies relatifs aux droits

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    civils et politiques et aux droits conomiques, sociaux et culturels et par la Conventioneuropenne de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales signs partous les Etats membres. La Convention no 111 de lOrganisation internationale du travailinterdit la discrimination en matire demploi et de travail.

    (5) Il est important de respecter ces droits fondamentaux et ces liberts fondamentales. Laprsente directive ne porte pas atteinte la libert dassociation, dont le droit de toutepersonne de fonder avec dautres des syndicats et de sy affilier pour la dfense de sesintrts.

    (24) LUnion europenne a reconnu explicitement dans sa dclaration n o 11 relative austatut des Eglises et des organisations non confessionnelles, annex lacte final du traitdAmsterdam, quelle respecte et ne prjuge pas le statut dont bnficient, en vertu du droitnational, les Eglises et les associations ou communauts religieuses dans les Etats membreset quelle respecte galement le statut des organisations philosophiques et non-confessionnelles. Dans cette perspective, les Etats membres peuvent maintenir ou prvoir

    des dispositions spcifiques sur les exigences professionnelles essentielles, lgitimes etjustifies susceptibles dtre requises pour y exercer une activit professionnelle.

    Article 4

    Exigences professionnelles

    1. (...) Les Etats membres peuvent prvoir quune diffrence de traitement fonde sur [lareligion ou les convictions] ne constitue pas une discrimination lorsque, en raison de lanature dune activit professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractristiqueen cause constitue une exigence professionnelle essentielle et dterminante, pour autant que

    lobjectif soit lgitime et que lexigence soit proportionne.2. Les Etats membres peuvent maintenir dans leur lgislation nationale en vigueur (...) ouprvoir dans une lgislation future reprenant des pratiques nationales existant la datedadoption de la prsente directive des dispositions en vertu desquelles, dans le cas desactivits professionnelles dEglises et dautres organisations publiques ou prives dontlthique est fonde sur la religion ou les convictions, une diffrence de traitement fondesur la religion ou les convictions dune personne ne constitue pas une discriminationlorsque, par la nature de ces activits ou par le contexte dans lequel elles sont exerces, lareligion ou les convictions constituent une exigence professionnelle essentielle, lgitime etjustifie eu gard lthique de lorganisation. (...)

    Pourvu que ses dispositions soient par ailleurs respectes, la prsente directive est doncsans prjudice du droit des Eglises et des autres organisations publiques ou prives dontlthique est fonde sur la religion ou les convictions, agissant en conformit avec lesdispositions constitutionnelles et lgislatives nationales, de requrir des personnestravaillant pour elles une attitude de bonne foi et de loyaut envers lthique delorganisation.

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    EN DROIT

    I. SUR LA VIOLATION ALLGUE DE LARTICLE 11 DE LA CONVENTION

    35. Le requrant estime que le tribunal dpartemental de Dolj a mconnu son droit la

    libert syndicale garanti par larticle 11 de la Convention, qui est ainsi libell :

    1. Toute personne a droit la libert de runion pacifique et la libert dassociation, ycompris le droit de fonder avec dautres des syndicats et de saffilier des syndicats pour ladfense de ses intrts.

    2. Lexercice de ces droits ne peut faire lobjet dautres restrictions que celles qui, prvuespar la loi, constituent des mesures ncessaires, dans une socit dmocratique, la scuritnationale, la sret publique, la dfense de lordre et la prvention du crime, laprotection de la sant ou de la morale, ou la protection des droits et liberts dautrui. Leprsent article ninterdit pas que des restrictions lgitimes soient imposes lexercice de

    ces droits par les membres des forces armes, de la police ou de ladministration delEtat.

    36. Le Gouvernement soppose cette thse.

    A. Sur la recevabilit

    37. La Cour constate que la requte nest pas manifestement mal fonde au sens delarticle 35 3 de la Convention. Par ailleurs, elle ne se heurte aucun autre motifdirrecevabilit. Il convient donc de la dclarer recevable.

    B. Sur le fond1. Arguments des parties

    a) Le requrant

    38. Le requrant souligne que le but de la constitution du syndicat, tel quil ressort de sonstatut, tait exclusivement la dfense des intrts extra-religieux, de nature conomique,des employs clricaux et lacs de lEglise. Il souligne que le syndicat ne remettait en causeni les dogmes de lEglise ni sa hirarchie ou son mode de fonctionnement et quil nereprsentait ni ne cherchait reprsenter ou remplacer ni lEglise ni ses fidles ni sa

    hirarchie, mais avait t cr en dehors de lEglise exclusivement pour reprsenter sespropres membres, employs de lEglise, dans leurs rapports conomiques et administratifsavec leur employeur et avec le ministre de la Culture et des Cultes.

    39. Ds lors, le requrant estime que les conclusions du tribunal dpartemental qui a rejetsa demande denregistrement et la thse du Gouvernement reposent sur une confusion entrela libert religieuse des fidles et de lEglise et les droits syndicaux des employs de

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    lEglise. Considrant que les deux domaines sont diffrents, il affirme que la libertreligieuse ne saurait justifier la limitation des droits sociaux fondamentaux.

    40. Par ailleurs, il rejette laffirmation selon laquelle les prtres exerceraient des fonctionsde direction dans leurs paroisses et, de ce fait, tomberaient sous le coup de linterdiction de

    se syndiquer prvue par la loi no

    54/2003. En tout tat de cause, il prcise que le syndicattait galement constitu demploys lacs de lEglise.

    41. Enfin, le requrant argue que le refus denregistrement ne correspond pas la pratiquenationale, laquelle aurait autoris la cration de syndicats similaires aussi bien avantquaprs le changement de rgime politique de 1989.

    42. Au vu de ces lments, le requrant estime que la disposition du Statut de lEglise quiconditionne la cration du syndicat la bndiction de lemployeur est illgale carcontraire aux droits et liberts garantis par la Constitution et par la Convention. Il soutientque le clerg et les lacs ne font pas partie des catgories vises par les exceptions prvues

    au second paragraphe de larticle 11 et conclut que le refus denregistrer leur syndicat leurfait subir une discrimination injustifie par rapport aux autres catgories de travailleurs.

    b) Le Gouvernement

    43. Le Gouvernement admet que le refus denregistrer le syndicat requrant a constituune ingrence dans son droit la libert dassociation protge par larticle 11 de laConvention, mais il estime que cette ingrence tait justifie car prvue par la loi,poursuivant un but lgitime et tant ncessaire dans une socit dmocratique.

    44. Pour ce qui est de la lgalit de la mesure, le Gouvernement indique que le refus

    denregistrement tait justifi par les dispositions de la loi n

    o

    54/2003 sur la libertsyndicale et du statut de lEglise orthodoxe, reconnu par larrt du Gouvernement no 53 du16 janvier 2008.

    45. Quant la lgitimit du but poursuivi, il rappelle que la mesure litigieuse tait justifie par le besoin de protger lEglise orthodoxe roumaine. Ds lors, il considre quelingrence visait un but lgitime, savoir la reconnaissance de la libert et de lautonomiedes communauts religieuses.

    46. En ce qui concerne la ncessit de la mesure dans une socit dmocratique, leGouvernement rappelle que lautonomie des communauts religieuses est indispensable au

    pluralisme dans une socit dmocratique.47. Il estime que toutes les formes associatives existant au sein de lEglise doivent treconformes aux rgles fixes par celle-ci, et observe cet gard que le statut de lEgliseorthodoxe prvoit diffrentes formes dassociation dans le but de faciliter lacommunication des dolances des prtres. En outre, il prcise que ces derniers exercent desfonctions de direction dans leurs paroisses et qu ce titre ils peroivent une indemnit quifait partie de leur salaire.

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    48. Rappelant que, leur entre dans lEglise, les membres du clerg ont prt un sermentpar lequel ils acceptaient librement une mission religieuse, le Gouvernement argue que,sils ont ensuite considr que les structures prvues dans le Statut ntaient plus conformes leur conscience, leur libert de religion consistait pouvoir quitter leur fonction ou mmelEglise.

    49. Enfin, il estime quune intervention de lEtat dans la rglementation des rapports entreles prtres et lEglise aurait port atteinte au principe de la primaut de lautonomie descommunauts religieuses. A cet gard, il rappelle que, dans deux affaires relatives laccs un tribunal de prtres souhaitant se plaindre respectivement de la fin dun contrat detravail et dune mutation, la Cour a fait prvaloir lautonomie interne de lEglise et sonindpendance dcisionnelle (Dudova et Duda c. Rpublique tchque (dc.), no 40224/98,30 janvier 2001 et Ahtinen c. Finlande, no 48907/99, 23 septembre 2008). Il rappellegalement que, compte tenu de limportance de lautonomie des communauts religieuses,lEtat est tenu de sabstenir dintervenir dans lorganisation de lEglise. A cet gard, il cite,a contrario, laffaire Saint Synode de LEglise orthodoxe bulgare (mtropolite Innocent) et

    autres c. Bulgarie (n

    os

    412/03 et 35677/04, 22 janvier 2009).50. Au vu de ces lments, le Gouvernement conclut que le juste quilibre entre lintrt particulier du requrant (se voir reconnatre son droit la libert dassociation) etlobligation de lEtat (respecter lautonomie des communauts religieuses) na pas trompu.

    2. Les observations des tiers intervenants

    a) LArchevch de Craiova

    51. Lintervenant soutient que le droit garanti par larticle 11 de la Convention nest pas undroit absolu et que la protection de la libert religieuse peut justifier des limitations lexercice du droit la libert dassociation lorsque celle-ci remet en cause le principe delautonomie des communauts religieuses.

    52. Il affirme quau sein de lEglise orthodoxe roumaine, les prtres exercent leursfonctions en vertu dun accord pralable exprim librement sous la forme dun sermentprt par chaque membre du clerg. Il considre que les parties ne sont pas lies par uncontrat soumis au droit du travail et que, ds lors, les employs de lEglise ne peuvent pasinvoquer la lgislation du travail pour revendiquer la cration dun syndicat qui dfendraitdes droits spcifiques au droit du travail. Quant la subordination la hirarchie

    ecclsiastique, lintervenant soutient quelle consiste seulement en une soumissionconfessionnelle libre et dvoue.

    53. Par ailleurs, lintervenant indique que la jurisprudence de diffrents pays europens,dont la France, reconnat que les rapports qui dcoulent de la mission spcifique de lEglisesont diffrents de ceux issus du droit du travail.

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    b) Lorganisation non gouvernementale Centre europen pour la justice et les droits delhomme

    54. Lintervenante estime quen vertu du principe de lautonomie des communautsreligieuses, lEglise peut lgitimement interdire son clerg de fonder un syndicat si elle

    considre quune telle structure est contraire au bien de la communaut.

    55. Elle souligne que lobligation de bonne foi et de loyaut envers lthique de lEglise at reconnue aussi bien dans la directive 78/2000/CE du Conseil du 27 novembre 2000 quedans la jurisprudence de la Cour.

    56. Ds lors, elle estime que la proportionnalit dune ventuelle ingrence dans le droit dese syndiquer doit sapprcier eu gard cette thique. Selon elle, en rejoignant une glise,les fidles et le clerg acceptent librement un devoir dobissance qui comprend larenonciation certains droits et liberts fondamentaux, dont la possibilit de fonder unsyndicat ou toute autre association sans lautorisation pralable de la hirarchie. LEtat

    devrait donc respecter ce vu dobissance et reconnatre lintrt lgitime de lEglise nepas permettre ses clercs de fonder un syndicat qui bouleverserait sa structure et porteraitatteinte au contenu de sa foi.

    3. Lapprciation de la Cour

    a) Principes gnraux concernant le contenu du droit syndical

    57. La Cour rappelle que larticle 11 a pour objectif essentiel de protger lindividu contreles ingrences arbitraires des pouvoirs publics dans lexercice des droits quil consacre. Enoutre, il implique lobligation positive dassurer la jouissance effective de ces droits

    (Wilson, National Union of Journalists et autres c. Royaume-Uni, n

    os

    30668/96, 30671/96et 30678/96, 41, CEDH 2002-V).

    58. Sagissant de la libert syndicale, qui constitue un aspect particulier de la libertdassociation, la Cour rappelle que larticle 11 de la Convention protge la libert dedfendre les intrts professionnels des adhrents dun syndicat par laction collective decelui-ci, action dont les Etats contractants doivent la fois autoriser et rendre possibles laconduite et le dveloppement. Il doit donc tre loisible un syndicat dintervenir pour ladfense des intrts de ses membres, et les adhrents individuels ont droit ce que leursyndicat soit entendu en vue de la dfense de leurs intrts (Syndicat national de la policebelge c. Belgique, 27 octobre 1975, 39-40, srie A no 19 et Syndicat sudois des

    conducteurs de locomotives c. Sude, 6 fvrier 1976, 40-41, srie A n

    o

    20). Si, en raisondu refus denregistrer un syndicat, lEtat manquait son obligation positive de garantir auxrequrants en droit interne la jouissance de ces droits, sa responsabilit devrait tre engagesur le terrain de larticle 11 de la Convention (Demir et Baykara c. Turquie [GC],no 34503/97, 110, 12 novembre 2008).

    59. Que lon aborde laffaire sous langle dune obligation positive pour lEtat dadopterdes mesures raisonnables et adquates pour protger les droits que les requrants puisent

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    dans larticle en cause ou sous celui dune ingrence dune autorit publique justifier souslangle de son paragraphe 2, les principes applicables sont similaires (Hatton et autresc. Royaume-Uni [GC], no 36022/97, 98, CEDH 2003-VIII).

    b) Application de ces principes dans le cas despce

    60. La Cour note que le tribunal dpartemental de Dolj a fond son refus denregistrer lesyndicat requrant sur une rgle de nature ecclsiastique contenue dans le Statut delEglise, qui interdisait au clerg toute forme dassociation en labsence de laccord de lahirarchie. Il a jug que linterdiction pour le clerg et les lacs de constituer des syndicatstait conforme aux dispositions internes en matire syndicale et quelle tait justifie par lebesoin de protger la tradition chrtienne orthodoxe et dviter que la hirarchie de lEglisene soit oblige de collaborer avec un nouvel organisme tranger aux rgles canoniques deprise des dcisions.

    61. La Cour rappelle que le seul fait que la lgislation interdise certaines catgories de

    salaris de se syndiquer ne saurait suffire en lui-mme justifier une restriction aussiradicale (voir, mutatis mutandis, Tm Haber Sen et nar c. Turquie, no 28602/95, 36,CEDH 2006-II etDemir et Baykara, prcit, 120).

    62. Ds lors, elle doit en premier lieu examiner la question de savoir si, au regard delarticle 11 et compte tenu de la situation spcifique de lEglise orthodoxe roumaine, lesemploys clricaux et lacs de lEglise peuvent jouir des droits syndicaux dans la mmemesure que les autres salaris.

    63. La Cour rappelle ce propos que larticle 11 nautorise lEtat imposer desrestrictions au droit syndical quaux trois groupes de personnes viss au paragraphe 2

    in fine de cette disposition, savoir les membres des forces armes, de la police ou deladministration, et sous rserve que ces restrictions soient lgitimes.

    64. En lespce, la Cour note que les prtres et le personnel lac exercent leurs fonctions ausein de lEglise orthodoxe roumaine dans le cadre dun contrat de travail individuel. Ilsperoivent une rmunration finance en majorit par le budget de lEtat et bnficient durgime gnral des assurances sociales. Par ailleurs, la Cour relve que le statut juridiquedes employs de lEglise na pas t contest devant les juridictions internes et que les juridictions civiles se fondent sur ce statut pour examiner, sous certaines conditions, lalgalit des mesures de licenciement ou de mise la retraite des salaris de lEglise(paragraphes 8, 27 et suivants ci-dessus).

    65. La Cour estime que la relation fonde sur un contrat de travail ne saurait tre clricalise au point dchapper toute rgle de droit civil (voir, mutatis mutandis,Schth c. Allemagne, no 1620/03, 70, CEDH 2010-...). Elle conclut que les membres duclerg et, plus forte raison, les employs lacs de lEglise ne sauraient tre soustraits auchamp dapplication de larticle 11. Les autorits nationales peuvent tout au plus leurimposer des restrictions lgitimes conformes larticle 11 2 de la Convention.

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    66. Ces restrictions appellent une interprtation stricte et seules des raisons convaincanteset impratives peuvent les justifier. Pour juger en pareil cas de lexistence dune ncessit , et donc dun besoin social imprieux , au sens de larticle 11 2, les Etatsne disposent que dune marge dapprciation rduite, laquelle se double dun contrleeuropen rigoureux portant la fois sur la loi et sur les dcisions qui lappliquent

    (Sidiropoulos et autres c. Grce, 10 juillet 1998, 40,Recueil1998-IV).i) Prvision par la loi et poursuite dun but lgitime

    67. La Cour note que le refus denregistrement tait fond sur la loi nationale, plusprcisment sur les lois nos 54/2003 et 489/2006 relative la libert syndicale et religieuse,interprtes par le tribunal dpartemental de Dolj la lumire du Statut de lEgliseorthodoxe. Par ailleurs, dans la mesure o ce refus visait empcher une disparit entre laloi et la pratique concernant la cration de syndicats au sein du personnel ecclsiastique, laCour peut admettre que la mesure en question tendait dfendre lordre public, quicomprend la libert et lautonomie des communauts religieuses (voir, mutatis mutandis,

    Negrepontis-Giannisis c. Grce, no

    56759/08, 67, 3 mai 2011).68. La Cour estime que lingrence peut tre considre comme prvue par la loi etpoursuivant un but lgitime au regard de larticle 11 2 de la Convention. Il reste donc savoir si elle tait ncessaire dans une socit dmocratique .

    ii) Ncessit dans une socit dmocratique

    69. La Cour rappelle que ladjectif ncessaire , au sens de larticle 11 2 de laConvention, implique un besoin social imprieux . Elle rappelle galement que pourdterminer si une limitation au droit la libert syndicale rpond un besoin social

    imprieux , elle doit rechercher sil existe des indices montrant que la fondation dusyndicat ou ses activits reprsentent une menace suffisamment et raisonnablement prochepour lEtat ou pour la socit dmocratique (Tm Haber Sen et nar, prcit, 40 etmutatis mutandis, Refah Partisi (Parti de la prosprit) et autres c. Turquie [GC], nos

    41340/98, 41342/98, 41343/98 et 41344/98, 104, CEDH 2003-II).

    70. La Cour na point pour tche, lorsquelle exerce son contrle, de se substituer aux juridictions internes comptentes, mais dexaminer la mesure litigieuse sous langle delarticle 11 et la lumire de lensemble de laffaire pour dterminer si les motifs invoquspour la justifier apparaissent pertinents et suffisants et si elle tait proportionne au but lgitime poursuivi . Elle doit alors juger tabli que les autorits nationales ont

    appliqu des rgles conformes aux principes consacrs larticle 11 et ce, de surcrot, en sefondant sur une apprciation acceptable des faits pertinents (voir, mutatis mutandis,Ahmedet autres c. Royaume-Uni, arrt du 2 septembre 1998, Recueil 1998-VI, pp. 2377-2378, 55, et Goodwin c. Royaume-Uni, arrt du 27 mars 1996, Recueil1996-II, pp. 500-501, 40).

    71. En lespce, la Cour note que les juridictions civiles taient comptentes pour statuersur la validit de la demande doctroi au syndicat requrant de la personnalit morale (voir,

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    a contrario, Dudova et Duda (dc.), prcite). Elle constate galement que le tribunal afond le rejet de la demande du requrant, dune part, sur le besoin de protger la traditionchrtienne orthodoxe, ses dogmes fondateurs et le mode canonique de prise des dcisionset, dautre part, sur limpossibilit lgale pour les prtres de se syndiquer tant donn quilsexeraient des fonctions de direction dans leurs paroisses.

    72. Pour ce qui est du second point, la Cour constate que lexercice par les prtres defonctions de direction fait lobjet dune controverse entre les parties. Quoi quil en soit, ellenestime pas ncessaire de trancher cette question de fait qui lui semble secondaire enloccurrence pour prendre sa dcision (voir, mutatis mutandis, Negrepontis-Giannisis,prcit, 70). Elle apprciera donc lexistence dun besoin social imprieux et lapertinence des motifs invoqus pour justifier lingrence litigieuse partir du premierlment invoqu par le tribunal dpartemental.

    ) Sur lexistence dun besoin social imprieux

    73. La Cour constate que le statut du syndicat requrant ne renfermait aucun passagecritique lgard de la foi ou de lEglise. Au contraire, il tait prcis que le syndicatentendait respecter et appliquer intgralement les dispositions de la lgislation civile et lesrgles ecclsiastiques, y compris le statut et les canons de lEglise. Il ne ressort pas nonplus des pices fournies par les parties que les dirigeants du syndicat ou ses membres aienttenu des propos irrespectueux lgard de la foi ou de lEglise orthodoxes.

    74. Certes, lautonomie des communauts religieuses invoque par le Gouvernement estindispensable au pluralisme dans une socit dmocratique et se trouve au cur mme dela protection qui leur est offerte par les articles 9 et 11 de la Convention. Le droit lalibert de religion au sens de la Convention exclut toute apprciation de la part de lEtat

    quant la lgitimit des croyances religieuses ou aux modalits dexpression de celles-ci(Hassan et Tchaouch c. Bulgarie [GC], no 30985/96, 78, CEDH 2000-XI).

    75. En lespce, la Cour observe que les revendications du syndicat requrant se plaaientexclusivement sur le terrain de la dfense des droits et des intrts conomiques, sociaux etculturel des employs salaris de lEglise. La reconnaissance du syndicat naurait doncport atteinte ni la lgitimit des croyances religieuses ni aux modalits dexpression decelles-ci.

    76. La Cour estime par consquent que les critres dfinissant le besoin socialimprieux ne sont pas runis en lespce : le tribunal na pas tabli que le programme que

    le syndicat stait fix dans son statut ou les prises de position de ses membres taientincompatibles avec une socit dmocratique et encore moins quils reprsentaient unemenace pour la dmocratie.

    ) Sur lexistence des motifs pertinents et suffisants et sur la proportionnalit delingrence

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    77. La Cour constate que les motifs invoqus par le tribunal dpartemental pour justifierlingrence taient exclusivement dordre religieux. A la diffrence du tribunal depremire instance, les juges qui ont examin le pourvoi de lArchevch nont faitrfrence quau Statut de lEglise et au besoin de prserver les rgles canoniques de prisede dcisions pour viter que la hirarchie de lEglise soit confronte avec un nouvel

    organisme tranger la tradition.78. Ils nont pas examin les rpercussions du contrat de travail sur les relations entrelemployeur et lemploy, la distinction entre les membres du clerg et les employs lacsde lEglise et la compatibilit entre les rglementations internes et internationales quiconsacrent le droit des travailleurs de se syndiquer et les rgles de nature ecclsiastique quilinterdisent. Or, de lavis de la Cour, ces questions revtent une importance particulire enlespce et, ce titre, elles exigeaient une rponse explicite et une prise en considrationlors de la mise en balance des intrts en jeu (voir, mutatis mutandis, Ruiz Torijac. Espagne, 9 dcembre 1994, 30, srie A no 303-A, Schth, prcit, 73 et Obst c.Allemagne, no 425/03, 48 et 51, CEDH 2010-... (extraits) et Negrepontis-Giannisis,

    prcit, 72).79. La Cour admet quau regard de la Convention, un employeur dont lthique est fondesur la religion peut imposer ses employs des obligations de loyaut spcifiques. Elleadmet galement quen signant son contrat de travail, un employ peut, en vertu de cedevoir de loyaut, la limitation jusqu un certain degr de certains de ses droits (voirAhtinen, prcit, 41 et Schth, prcit, 71).

    80. Cependant, elle rappelle que le juge civil comptent pour contrler une sanction fondesur un manquement ces obligations, ne peut pas, au nom de lautonomie de lemployeur,omettre de procder une mise en balance effective des intrts en jeu laune du principe

    de proportionnalit (Schth, prcit, 69).81. Quant la limitation implicite du droit de se syndiquer qui dcoulerait de la signaturedu contrat de travail, la Cour estime que la validit dune telle limitation nest pas tablieds lors quelle touche la substance mme de la libert garantie par larticle 11 de laConvention (voir, mutatis mutandis, Young, James et Webster c. Royaume-Uni,13 aot 1981, 52, srie A no 44).

    82. En tout tat de cause, la Cour note quen lespce ni le Gouvernement ni lArchevchnont soutenu devant les juridictions internes ou devant elle que les contrats de travail desemploys de lEglise aient contenu une telle clause (voir, mutatis mutandis, Schth, prcit,

    71). Elle constate galement que le tribunal dpartemental a fond son refus denregistrerle syndicat non pas sur les clauses des contrats de travail mais sur les dispositions du Statutde lEglise, entr en vigueur en 2008, cest--dire aprs la prise de fonctions au sein delEglise orthodoxe des diffrents employs membres du syndicat.

    83. Par ailleurs, la Cour note que les rglementations internationales pertinentes et, enparticulier, le cinquime considrant de la directive 78/2000/CE du Conseil, ne permettentpas quil soit port atteinte la libert dassociation, dont relve le droit de toute personne

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    de fonder avec dautres des syndicats et de sy affilier pour la dfense de ses intrts(paragraphe 34 ci-dessus).

    84. La Cour est consciente du contexte particulier de lespce, notamment de la placequoccupe la religion orthodoxe dans lhistoire et la tradition de lEtat dfendeur.

    Toutefois, ce contexte ne saurait, lui seul, justifier la ncessit de lingrence, dautantque le syndicat requrant na nullement entendu contester cette place et que le droit desemploys de lEglise orthodoxe de se syndiquer a dj t reconnu, au moins deuxreprises, par les juridictions internes (voir les paragraphes 30 et 31 ci-dessus et,mutatis mutandis, Partidul Comunistilor (Nepeceristi) et Ungureanu c. Roumanie,no 46626/99, 58, CEDH 2005-I (extraits)).

    85. Certes, cette reconnaissance est antrieure lentre en vigueur du Statut de lEgliseorthodoxe, mais il nen reste pas moins que deux syndicats ont pu tre crs au sein duclerg orthodoxe sans que cela ne soit jug illgal ou incompatible avec le rgimedmocratique.

    86. Eu gard ces circonstances, la Cour considre que les motifs invoqus par le tribunaldpartemental napparaissent pas suffisants pour justifier le rejet de la demandedenregistrement du requrant (voir, mutatis mutandis, Schth, prcit, 74, Siebenhaar c.Allemagne, no 18136/02, 45, 3 fvrier 2011, et Obst, prcit, 51).

    iii) Conclusion

    87. En consquence, en labsence de besoin social imprieux et dfaut de motifssuffisants, la Cour estime quune mesure aussi radicale que le rejet de la demandedenregistrement du syndicat requrant est disproportionne au but vis et, partant, non

    ncessaire dans une socit dmocratique.88. Il y a donc eu violation de larticle 11 de la Convention.

    II. SUR LAPPLICATION DE LARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    89. Aux termes de larticle 41 de la Convention,

    Si la Cour dclare quil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si ledroit interne de la Haute Partie contractante ne permet deffacer quimparfaitement lesconsquences de cette violation, la Cour accorde la partie lse, sil y a lieu, une

    satisfaction quitable. A. Dommage

    90. Le requrant rclame 20 000 euros (EUR) au titre des ddommagements , sansprciser leur nature. Selon lui, cette somme reprsenterait les cotisations des membres dusyndicat dont ce dernier na pas pu disposer en raison du refus denregistrement.

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    91. Le Gouvernement soppose la demande. Il estime quelle est excessive et quelle naaucun rapport avec lobjet de laffaire.

    92. Observant que le droit interne permet la rvision dun procs si la Cour a constat laviolation des droits dun requrant, la Cour considre quen principe, le redressement le

    plus appropri serait de rouvrir, la demande de lintress, la procdure denregistrementdu syndicat dans le respect des exigences de larticle 11 de la Convention.

    93. Cela tant, elle rappelle que la frustration prouve par les membres dun organismedissous ou empch dagir peut tre prise en compte sur le terrain de larticle 41 de laConvention (voir par exemple, Dicle pour le Parti de la dmocratie (DEP) c. Turquie,no 25141/94, 78, 10 dcembre 2002 ; Parti prsidentiel de Mordovie c. Russie,no 65659/01, 37, 5 octobre 2004).

    94. Pour ce qui est du montant du prjudice subi, la Cour souligne que, compte tenu delincertitude quant au nombre et la dure des cotisations, elle ne peut spculer sur la

    somme totale que le syndicat requrant aurait pu lever si sa demande denregistrementavait t accueillie.

    95. Statuant en quit, elle lui accorde 10 000 EUR tous prjudices confondus. Cettesomme sera verse Me Ionel Gruia, qui sera charg de la mettre la disposition dusyndicat ou, si ce dernier nacquiert pas la personnalit morale, de ses membres fondateurs.

    B. Frais et dpens

    96. Le syndicat requrant rclame 5 000 EUR pour les frais et dpens engags devant lesjuridictions internes et devant la Cour.

    97. Le Gouvernement soppose cette demande au motif que le requrant na pas fournide justificatifs pour le calcul de ce montant.

    98. Compte tenu de labsence de justificatif, la Cour rejette la demande.

    C. Intrts moratoires

    99. La Cour juge appropri de calquer le taux des intrts moratoires sur le taux dintrtde la facilit de prt marginal de la Banque centrale europenne major de trois points depourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR

    1. Dclare, lunanimit, la requte recevable ;

    2. Dit, par cinq voix contre deux, quil y a eu violation de larticle 11 de la Convention ;

    3. Dit, par cinq voix contre deux,

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    a) que lEtat dfendeur doit verser Me Ionel Gruia, reprsentant du syndicat Pstorul celBun, dans les trois mois compter du jour o larrt sera devenu dfinitif conformment larticle 44 2 de la Convention, 10 000 EUR (dix mille euros), tous prjudices confondus,plus tout montant pouvant tre d titre dimpt, charge pour lintress de transfrer lasomme audit syndicat ou, le cas chant, ses membres fondateurs ;

    b) que cette somme est convertir dans la monnaie de lEtat dfendeur au taux applicable la date du rglement ;

    c) qu compter de lexpiration dudit dlai et jusquau versement, ce montant sera majorer dun intrt simple un taux gal celui de la facilit de prt marginal de laBanque centrale europenne applicable pendant cette priode, augment de trois points depourcentage ;

    4. Rejette, lunanimit, la demande de satisfaction quitable pour le surplus.

    Fait en franais, puis communiqu par crit le 31 janvier 2012, en application delarticle 77 2 et 3 du rglement.

    Santiago Quesada Josep CasadevallGreffier Prsident

    Au prsent arrt se trouve joint, conformment aux articles 45 2 de la Convention et 74 2 du rglement, lexpos de lopinion spare des juges Ziemele et Tsotsoria.

    J.C.M.S.Q.

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    OPINION DISSIDENTE COMMUNE AUX JUGESZIEMELE ET TSOTSORIA

    (Traduction)

    1. Nous ne partageons pas lavis de la majorit selon lequel limpossibilit faite auxrequrants de crer le syndicat en question aurait emport violation de larticle 11.Demble, il est important de souligner que la question sest pose dans un contexte trs particulier. Les requrants sont trente-cinq employs clricaux et lacs de lEgliseorthodoxe roumaine (paragraphe 6). La principale question qui se pose est donc celle desavoir si et de quelle manire les membres du clerg et les autres employs dune glise ontle droit de fonder des syndicats. Ensuite, il faut se demander quel est le rle de lEtat dupoint de vue de ses obligations au regard de la Convention.

    2. La Cour a souvent mis laccent sur le rle de lEtat en tant quorganisateur neutre etimpartial de lexercice des diverses religions, cultes et croyances, et indiqu que ce rlecontribue assurer lordre public, la paix religieuse et la tolrance dans une socitdmocratique, particulirement entre des groupes opposs (voir par exemple larrt Leylaahin c. Turquie [GC], no 44774/98, 107, CEDH 2005 XI). Elle a aussi reconnu que laparticipation la vie de la communaut est une manifestation de la religion, qui jouit de laprotection de larticle 9 de la Convention. Pour ces raisons, elle a dit quen vertu delarticle 9 de la Convention interprt la lumire de larticle 11, le droit des fidles lalibert de religion suppose que la communaut puisse fonctionner paisiblement, sansingrence arbitraire de lEtat. En effet, lautonomie des communauts religieuses est

    indispensable au pluralisme dans une socit dmocratique et se trouve donc au curmme de la protection offerte par larticle 9. Si lorganisation de la vie de la communautntait pas protge par larticle 9 de la Convention, tous les autres aspects de la libert dereligion de lindividu sen trouveraient fragiliss (Hassan et Tchaouch c. Bulgarie [GC],no 30985/96, 62, CEDH 2000 XI, Eglise mtropolitaine de Bessarabie et autresc. Moldova, no 45701/99, 118, CEDH 2001 XII, et Saint Synode de lEglise orthodoxebulgare (Mtropolite Innocent) et autres c. Bulgarie, nos 412/03 et 35677/04, 103, 22janvier 2009). Selon nous, la prsente affaire soulve une question relativement nouvelle pour la Cour en ce quelle concerne lautonomie dune communaut religieuse dontcertains membres se proposent de crer un syndicat.

    3. Nous notons quen Roumanie, quelques exceptions prs, les membres du clerg ont ledroit de fonder des syndicats de fait, certains lont dj fait (paragraphe 84). Cela tant,ils doivent cette fin suivre une certaine procdure. Ainsi, en vertu du Statut de lEgliseorthodoxe roumaine de 2007, reconnu par larrt du Gouvernement no 53 de 2008, lesmembres du clerg doivent recevoir la bndiction de lvque pour crer ou rejoindre uneassociation, une fondation ou une autre organisation (paragraphe 26). En lespce, lesjuridictions internes ont tenu compte des explications de larchevque quant lobligationdobtenir sa bndiction ainsi que des explications relatives aux devoirs des prtres dans la

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    hirarchie de lEglise, et elles ont dcid que, la cration du syndicat tant contraire auxrgles nonces dans le Statut de lEglise orthodoxe roumaine, elles ne pouvaient pas enautoriser lenregistrement.

    4. La majorit de la chambre a estim que la cration du syndicat en cause naurait port

    atteinte ni la lgitimit des croyances religieuses ni aux modalits dexpression de celles-ci (paragraphe 75). Selon elle, les juridictions nationales nont pas suffisamment tabli quele statut du syndicat tait incompatible avec une socit dmocratique ni quil reprsentaitune menace pour la dmocratie (paragraphe 76). Ensuite, examinant plus particulirementlanalyse faite par les juridictions internes, elle a considr que celles-ci navaient passuffisamment tenu compte de tous les arguments pertinents (paragraphe 86). Certes, leraisonnement du tribunal dpartemental nest pas irrprochable. Nous pouvons admettrepar exemple quil aurait t souhaitable de distinguer les membres du clerg des employslacs de lEglise, cette distinction dcoulant du libell mme du Statut de lEgliseorthodoxe, dans lequel il nest prvu une procdure spciale que pour les membres duclerg. Il se pose galement une importante question relative dune part au droit applicable

    ce litige, les faits de la cause tant antrieurs la date laquelle le Gouvernement a prisnote du nouveau Statut de lEglise (2008), et dautre part au point de savoir si lesrequrants avaient connaissance avant cette date des restrictions susceptibles dtreapportes leurs droits. Il semble que le tribunal dpartemental nait pas tenu compte deces aspects. Cela tant, les requrants eux-mmes nont ni argu quil faille faire unedistinction entre les droits des membres du clerg et ceux des employs lacs de lEglise nitent de crer deux syndicats diffrents. Le Gouvernement a soutenu que les juridictionsnationales staient efforces de dterminer la nature du syndicat et que la compositionmixte de ses membres avait rendu cette tche difficile. Enfin, les tribunaux sont parvenus la conclusion que lintention des requrants tait de crer un syndicat au sein de lEglise, ceque les intresss nont pas contest : ils ont simplement argu quils navaient pas

    lintention de contredire les dogmes religieux ou lorganisation de lEglise mais que leurobjectif principal tait la dfense de leurs droits conomiques et sociaux.

    5. De fait, le texte du statut du syndicat revt une importance particulire en lespce(paragraphe 6). On peut y lire que le syndicat a pour objectif de garantir chacun de sesmembres un travail qui corresponde ses qualifications professionnelles et, notamment,quil organisera et financera des activits religieuses. Naturellement, le documentmentionne le droit de grve, et il indique que larchevque doit communiquer desinformations sur les promotions, les transferts et les questions budgtaires. Nous estimonsqu la lumire de ces lments du statut du syndicat, les juridictions nationales pouvaientraisonnablement considrer que la cration de pareille organisation remettrait en questionla structure hirarchique traditionnelle de lEglise et la manire dont les dcisions y taientprises. Il ne ressort pas du statut que le seul objectif des membres du syndicat ait t decommuniquer avec les autorits publiques compte tenu du fait que leurs contrats de travailtaient en quelque sorte reconnus par lEtat. Il apparat par ailleurs, la lumire desdiffrentes dclarations des parties verses au dossier, que cette affaire a pour toile de fonddes dissensions au sein de lEglise. Si tel est le cas, les juridictions nationales sontcertainement mieux places que la Cour pour apprcier les faits de la cause.

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    6. En conclusion, la chambre semble avoir rpondu par laffirmative la question pose aupoint 1 ci-dessus, en se fondant sur limportance du droit de crer un syndicat et sur lelibell du paragraphe 2 de larticle 11, qui ne prvoit la possibilit de restreindre le droit decrer un syndicat que pour trois groupes dindividus (paragraphe 63). Malheureusement,elle na pas examin le principal problme soulev par les faits, savoir le conflit entre le

    principe de lautonomie des communauts religieuses, protge par les articles 9 et 11, et ledroit de fonder un syndicat, protg par larticle 11 (voir le point 2 ci-dessus). Si noussommes daccord avec la majorit pour dire quil est important de trouver un juste quilibreentre, dune part, la libert de religion et lautonomie de lEglise et de ses membres et,dautre part, la protection dautres droits fondamentaux, nous ne jugeons pas draisonnablelapprciation faite par les juridictions nationales dans cette situation trs dlicate. Enconsquence, nous ne pouvons conclure la violation de larticle 11 et nous ne souscrivonspas la dcision doctroyer au requrant une somme au titre de la satisfaction quitable.

    ARRT SINDICATUL PSTORUL CEL BUN c. ROUMANIE

    ARRT SINDICATUL PSTORUL CEL BUN c. ROUMANIE

    ARRT SINDICATUL PSTORUL CEL BUN c. ROUMANIE OPINIONSPARE

    ARRT SINDICATUL PSTORUL CEL BUN c. ROUMANIE OPINIONSPARE

    HOTRRE INADECVAT LA CEDO

    Vocaia sacerdotal a fost asimilat cu aciunea sindical

    Patriarhia Romn a luat cunotin cu uimire de hotrrea n prim instan a completuluide judectori din cadrul seciei a III-a a Curii Europene a Drepturilor Omului (CEDO) ncauza autointitulatului sindicat al preoilor din Mitropolia Olteniei Pstorul cel buncontraRomniei avnd ca obiect dreptul clericilor la libera asociere n organizaii de tip sindical.Studiind cu atenie aceast hotrre, Patriarhia Romn constat urmtoarele:

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    1. Cunoaterea trunchiat (insuficient) de ctre CEDO a specificului relaiilor dintrestat i culte n Romnia i ignorarea prevederilor Constituiei Romniei (art. 29), aLegii Cultelor nr. 489/2006 privind libertatea religioas i regimul general al cultelordin Romnia (art. 8) i a Statutului pentru organizarea i funcionarea BisericiiOrtodoxe Romne recunoscut prin HG nr. 53/2008 i publicat n Monitorul oficial nr.

    50/22 ianuarie 2008 -Statut, care enun cu claritate autonomia i libertatea Bisericiifa de Stat;

    2. Confuzia ntre specificul vocaional al preoiei care este chemare la misiune sfntprin actul hirotoniei sau slujire liber asumat a comunitilor de credincioi (art. 123alin. 7 din Statut), pe de o parte, i raporturile de munc specifice angajailor civili, pede alt parte;

    3. Reinerea total eronat n hotrrea CEDO c statutul aanumitului sindicat nu arcontraveni prin nimic Statutului Bisericii Ortodoxe Romne, Legii cultelor icanoanelor. ns,n realitate, sindicatul are obiective total incompatibile cu slujirea

    sacramental i pastoral a preoilor, i anume:- organizarea de mitinguri, demonstraii i greve (pct. 3.2 lit. j din Statutulsindicatului), meniune care contravine statutului recunoscut cultelor de ctre statulromn de factori ai pcii sociale (art. 7 alin. 1 din Legea nr. 489/2006privindlibertatea religioas i regimul general al cultelor);

    - respectarea prevederilor legale privind concediile de odihn i srbtorilelegale (pct. 3.2 lit. c din Statutul sindicatului) n cazul clericilor, ceea ce nseamn czilele de smbt i duminic, prima i a doua zi de srbtorile Sfintelor Pati, NateriiDomnului iRusaliilor, precum i n alte srbtori legale care coincid cu srbtorile

    religioase ar fi zile libere pentru clericii membri ai sindicatului, cnd tocmai atuncicredincioii sunt n numr mai mare prezeni la biseric;

    - asigurarea prezenei i reprezentrii sindicatului la toate nivelurile i n toateorganismele de decizie bisericeasc (art. 3, pct. 2, lit. i din Statutul sindicatului),inclusiv la lucrrile Sfntului Sinod (art. 3, pct. 2, lit. ), ceea ce ar reprezenta onclcare flagrant a autonomiei Bisericii i o ncercare a Sindicatului de a deveni ungrup de presiune i de a eluda cile statutare de consultare a clericilor n adunrileeparhiale, n conferinele preoeti administrative lunare, cercurile pastorale,conferinele preoeti pastoral-misionare semestriale sau n Permanenele Consiliiloreparhiale, inclusiv n Consiliul Naional Bisericesc iAdunarea Naional Bisericeasc

    ale Bisericii Ortodoxe Romne.Reamintim c, potrivit Sfintelor Canoane universale iStatutului pentru organizareai funcionarea Bisericii Ortodoxe Romne, preoii asemenea magistrailor imilitarilor - nu au dreptul s se angajeze n politic partinic, s desfoare activitieconomice, direct sau prin interpui, i s participe la alte forme de asociere, inclusivde tip sindical pentru a fi impariali i total angajai n slujirea binelui comun alpopulaiei.

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    O eventual adoptare final a acestei hotrri de ctre CEDO ar constitui un atac direct laorganizarea constituional i legal a cultelor din Romnia i din statele membre aleConsiliului Europei, asimilnd vocaia sacerdotal misionar cu aciunea sindicalprotestatar. De altfel, aceast decizie a CEDO a trezit nedumerire n rndurile unorreprezentani ai altor Biserici europene care i-au exprimat intenia de a se solidariza cu

    Statul romn i Biserica Ortodox Romn deoarece consider aceast hotrre unprecedent inacceptabil care submineaz autonomia tuturor cultelor religioase din Europa.

    n plus, aceast hotrre contravine deciziilor anterioare, unele chiar recente (de pild, ncauzele Mller, Reuter i Baudler contra Germaniei din 6 decembrie 2011), ale CuriiEuropene a Drepturilor Omului, precum i opiniei separate a doi dintre judectorii dinaceast cauz, care au confirmat c statutul, drepturile i obligaiile slujitorilor unuicult religios fa de acest cult in de competena exclusiv a cultului respectiv.

    Ne exprimm sperana c Statul romn va contesta cu fermitate aceast hotrre inadecvati avem convingerea cMarea Camer a Curii Europene a Drepturilor Omului va corecta

    o hotrre pripit n cauza autointitulatului sindicat al preoilor din Mitropolia Olteniei Pstorul cel bun contra Romniei, care nu ine cont de autonomia i de specificulorganizrii i funcionrii activitii cultelor religioase, recunoscute i garantate ca atare ntoate statele democratice.

    BIROUL DE PRES

    AL PATRIARHIEI ROMNE